Le soir du 6 juillet 2013, la vie de toute une région a basculé quand un « train fou » sans conducteur s’est emballé pour aller détruire le cœur d’une ville sans histoire qui allait ainsi passer à l’histoire bien malgré elle. Depuis ce cauchemar, la vie a repris son cours sans jamais oublier ce triste passé. Des Méganticois s’étaient d’ailleurs rapidement ressaisis pour redonner vie, espoir et exemple à leur région endeuillée en créant un tout nouveau camping qui a déjà sa petite histoire.
Le défi était grand et il aura été relevé avec brio. « C’était tout ou rien pantoute » s’était dit le quatuor artisan de ce nouveau camping situé sur un bassin versant du magnifique lac Mégantic, à un jet de pierre de la ville du même nom. Julie Rouillard, Francis Thérien ainsi que Jacques et Simon Boulanger n’allaient pas faire de leur projet un copier/coller d’un camping traditionnel, mais un exemple qui saura en inspirer plusieurs. Ainsi est né le Camping Aventure Mégantic.
Le projet avait d’ailleurs germé à peine 3 mois après la tragédie. « Nous cherchions une idée où nous pourrions contribuer à la relance de notre région au moral anéanti », dira Julie Rouillard.
Il fallait toutefois avoir une certaine vision pour songer aménager un camping sur un vaste terrain pentu où logeaient autrefois une scierie et une sablière attenantes à une érablière. De prime abord, plusieurs se seraient découragés avant la première pelletée de terre et se seraient dit qu’un camping moderne ne peut se faire que sur le plat.
Au contraire, nos nouveaux promoteurs y ont vu un avantage certain de pouvoir développer ce vaste terrain de 90 acres, d’abord inhospitalier. La pente confère déjà un drainage naturel, offre une vue sans pareille, permet peu de dynamitage, la matière première (terre, roches et concassés) est à portée de main et de pelle.
À partir de là, ils n’ont eu qu’à façonner le site qui n’a rien de cartésien, mais où les secteurs sont en satellite et les rues sur gravier tirent leurs noms de la constellation. En peu de temps, le camping a vu sa qualification passer de 4 à 5 étoiles. Ironisons en rappelant que nous sommes à proximité de l’Observatoire du Mont-Mégantic. Les planètes sont donc bien alignées.
Acquis en février 2014, le terrain offre déjà 140 emplacements et un potentiel pouvant atteindre 250. En 2019, le nombre a augmenté à 168 et les promoteurs sont toujours en réflexion pour augmenter le déploiement de 80 à peut-être même 100 sites supplémentaires, ce qui saturerait tout l’espace disponible.
Les demandes pour un emplacement saisonnier font pression sur le camping qui accueille, toutes activités confondues, quelque 25,000 personnes annuellement. Pas question cependant de ghettoïser ces saisonniers dans un seul secteur. Leurs 68 emplacements, soit près de la moitié des sites disponibles, sont ainsi disséminés un peu partout pour se confondre aux campeurs voyageurs. L’aménagement de leurs sites est rigoureusement régi; pas de lumières de Noël entre autres.
Développement durable à l’honneur
Malgré la jeunesse du nouveau camping, on se surprend de voir que tant a été si bien fait en si peu de temps. Au surcroit, tout est soigné même en ayant fait du neuf avec du vieux. Dans un esprit de développement durable, les promoteurs ont récupéré nombre de vestiges de la tragédie.
L’éclairage et la chambre froide du chalet communautaire qui peut accueillir 120 personnes proviennent du marché Métro. Les meubles et tables de la pharmacie Jean Coutu. La table de billard de l’établissement L’Eau-berge. Plusieurs portes et fenêtres des bâtiments démolis ont été récupérées. La cuisine d’un défunt restaurant du centre-ville dévasté a trouvé une nouvelle vie.
Il en va de même pour l’infrastructure récréative qui est complète avec notamment une glissade d’eau provenant d’un parc aquatique abandonné à St-Ludger. Un ancien camion incendie a été acheté à l’encan et fait le bonheur des jeunes lors de la balade au crépuscule. Un bus scolaire fait office de repère pour les ados.
La volonté des propriétaires de développer à contre-courant sied bien aux campeurs en tente et tente-roulotte que négligent de plus en plus de campings axés sur les caravanes modernes. Cette clientèle a même droit à d’ingénieuses toilettes portatives réparties dans certains secteurs.
La volonté de rejoindre une clientèle diversifiée s’exprime aussi par l’offre de 2 tentes Equipia et de 2 cabines POD. S’ajoutent 3 Méga-POD, 2 Yourtes et 2 chalets dans les arbres qui sont habitables 4-saisons. L’offre diversifiée s’est enrichie d’une auberge de bord de lac comprenant un appartement et 3 chambres. Cela ne donne malheureusement pas une fenêtre d’accès au lac pour les campeurs en raison de contraintes règlementaires.
Autre originalité distincte ; un parc à chien avec bassin d’eau pour la baignade fera le bonheur de la gent canine. Une navette conduit les campeurs-golfeurs au parcours situé à peine à 1 km du camping. Avec ses 14 antennes déployées sur l’ensemble du site, l’internet y est très performant. N’oublions pas la « Ferme des petits torrieux » qui met en valeur des produits régionaux.
Solidarité régionale
La région de lac Mégantic se fait accueillante pour les campeurs et caravaniers. Loin d’être en compétition entre eux, quatre campings font front communs pour attirer les visiteurs d’abord dans la région sachant pertinemment bien que tous y trouveront leur compte.
Le populaire camping Baie-des-Sables affiche souvent complet et nul doute que le nouveau-né saura combler les regrets de ceux qui ne peuvent trouver un emplacement aussi au Camping de Piopolis et celui de Lambton.
Une ville à découvrir et redécouvrir
Bien sûr, la tragédie a laissé des séquelles, dont un centre-ville à reconstruire. En sus du nouveau camping, nombreuses sont les initiatives de relance de la ville meurtrie. Que ce soit pour une première visite pour certains ou un retour pour d’autres, tous y découvriront une population accueillante, déterminée à rebâtir et aussi très reconnaissante envers la solidarité des Québécois. Le parc sur le littoral, attenant à la marina est pour le moins ressourçant avec ses multiples oeuvres d’art déployées à la mémoire de chacune des victimes qui ne seront jamais oubliées. Voilà un projet de vacances qui a bien du sens.
Visité 2 fois : août 2015 (2 nuits) & août 2019 (3 nuits)